vendredi 14 juin 2013

8 - les trente voleurs


Notre chanson de la semaine, a été collectée à Machecoul (44) à la fin du 19ème par Soreau (encore lui !). Pour la plupart d'entre nous cette chanson des trente voleurs de Bazoges évoque immédiatement la complainte de Mandrin. Celle ci bénéficie d'une popularité qui doit beaucoup à la quantité d'enregistrements qui en ont été fait : Yves Montand, Guy Béart pour les plus connus, sans oublier Marc Ogeret ou les Ménétriers et une bonne vingtaine d'autres moins médiatisés.
Le brigand Louis Mandrin, né en 1724 en Dauphiné, est mort roué vif le 26 mai 1755 (vers cinq heures de l'après midi). La complainte aussitôt composée a repris un timbre tiré d'un opéra de Rameau, Hyppolite et Aricie.

Et alors ? Pourquoi tant de précisions historiques ? Laissons la réponse à Jérôme Bujeaud dans son tome 2 des chansons populaires des provinces de l'ouest : « le jeudi 3 février 1583, M. Rapin, vice sénéchal de Fontenay le Comte, accompagné de ses soldats...tuèrent à Réaumur 40 ou 50 voleurs qui pillaient, rançonnaient les pauvres du plat pays et violaient les femmes. L'un des dits voleurs qui était sergent fut pendu à Fontenay. » Voilà donc l'origine de...
Pour écouter la chanson et lire la suite:

Les trente voleurs by Dastumla
...Voilà donc l'origine de notre complainte dont l'action se situe à Bazoges en Pareds, toutes ces communes se situant dans le département de Vendée. Bujeaud ajoute « qu'elle offre une grande ressemblance avec la chanson nouvelle sur les regrets d'un voleur nommé Caplanbou » exécuté à Toulouse la même année.
Le texte consacré à Mandrin reprend donc parfois mot à mot celui composé pour le sergent de Bazoges. De là à dire que notre chanson de la semaine serait une version originale ! Ce serait faire preuve d'un chauvinisme présomptueux. On retrouve cependant la même construction qui fait dire au héros ses regrets sur le chemin de l'échafaud. La ballade anglaise « Newlyn town » reprend ce même thème : brigandage, arrestation et repentir.

Cette histoire semble aussi très enjolivée. Rien de bien nouveau : de Mandrin à Mesrine il y a toujours une tendance à voir dans le truand un héros populaire victime de ses agissements contre les possédants. Mais les exactions des soldats perdus des guerres de cent ans et les crimes des grandes compagnies qui ruinaient les campagnes ne se sont pas contentés de viser des rois, des reines ou des "bonnets carrés"
Il faut bien reconnaître que la médiatisation de la complainte de Mandrin, depuis le 18ème siècle jusqu'à la variété contemporaine, a tenu dans l'oubli cette complainte populaire de l'ouest. La seule version enregistrée des trente voleurs de Bazoges figure sur un 33 tours de Patrick Couton, (Iris WM30- 1977), disque aujourd'hui introuvable.
 
Les trente voleurs
J’étions assemblés trente
Trente voleurs ensemble
Tous habillés de blanc
Pour voler les marchands
 
La première des vol’ries
Qu’j’ont fait dans notre vie
Mes camarades et moi
J’avons volé le roi
 
J’avons été à Rennes
Pour y voler la reine
La reine y était pas
Avons volé le roi
 
J’ont enfoncé les portes
Les gardes étions point fortes
Les coffres à secrets
Je les avons trouvés
 
J’ont défoncé les coffres
Pour y voler les robes
Des robes, aussi de l’or
Le sujet de nos morts
 
Nous y fûmes à Nantes
A Nantes au marché vendre
Vendre à bien bon marché
C’qui nous a rien coûté
 
Les jurés de Bazoges
Avec leurs grandes robes
Et leurs bonnets carrés
Nous ont bien mal jugés
 
Nous ont jugés à pendre
Lundi, sans plus attendre
Mardi sans plus tarder
A pendre ou à brûler
 
Si j’avais cru ma femme
Ma jeune, ma bonne femme
Mes trois petits enfants
Je s’rais riche marchand
 
Si j’avais cru mon père
Mon père aussi ma mère
Je n’serais point ici
Dans ce cachot maudit.
source / collecte : Abel Soreau, à Machecoul, le 17 septembre 1894, auprès de Joseph Orieux
interprète : Bruno Nourry
catalogues : Le voleur pendu [LAF 2 A 61] ; Nous étions vingt ou trente [COI]