vendredi 4 mai 2018

247 - Les filles de Campbon


Après Nozay, Le Pouliguen, Saint Nazaire, Le Loroux, St Etienne, Le Croisic, St Malo, Guérande (1)...voici à nouveau une chanson qui met en vedette les filles d'une commune en particulier. Vous connaissez probablement déjà cette histoire parce que les filles des Forges de Paimpont ont assuré l'un des premiers succès du plus ancien groupe nantais encore en activité.
Ce texte, répandu dans toute la Haute-Bretagne, donne une chanson à double détente. Dans un premier temps on se moque des filles qui agissent comme des garçons. Pour finir, c'est le clergé qui en prend pour son grade, avec un curé qui tente de profiter de la situation.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Cette chanson est bien connue dans tout le pays gallo. Si les filles des Forges de Paimpont on connu le vedettariat avec le premier disque 33 tours des Tri Yann, quelques communes de Loire-Atlantique nous proposent la même histoire. Quand les filles de Paimpont vont volontiers se confesser au curé de Beignon, chez nous, les filles de Campbon s'en vont trouver le curé de Bouvron, celles de Ruffigné vont jusqu'à Sion et celles de La Plaine se rendent au Clion. L'explication de ce dépaysement tient peut être dans le souci de préserver une réputation dans la commune d'origine. Il est plus facile d'avouer ses « fautes » au confesseur du pays d'à coté qu'au curé local qu'on va croiser toutes les semaines.
Qu'ont-elles donc à se reprocher ces jouvencelles ? D'être allées au bal ? Bien sur, ce loisir qui nous paraît anodin était autrefois très mal vu par le clergé. Nous avons rencontré des informatrices pour qui la situation décrite dans cette chanson avait réellement été vécue. Certains curés, outrepassant leurs prérogatives, refusaient l'absolution aux jeunes filles qui fréquentaient les bals. Dans une société autant marquée par la pratique religieuse, ce refus pouvait avoir de sérieuses conséquences.
Ce que la chanson raille, sous couvert de morale religieuse, c'est en fait la tendance à vouloir sortir des limites sociales en se comportant comme des garçons. Tout d'abord en utilisant des artifices vestimentaires réservés au sexe masculin. Cela n’apparaît pas clairement dans la version choisie, mais est très explicite dans la seconde version dont nous vous donnons également le texte. C'est celle que nous avons enregistré en chant à la marche sur le premier CD de notre collection « en Loire-Atlantique » (2).
Le second reproche qui est fait aux jeunes filles c'est de boire comme des hommes. Ici, elles n'ont pas attendu que le curé leur refuse l'absolution pour prendre prétexte de s’enivrer. Petit exercice de calcul élémentaire : sachant que chacune a remis sa tournée, calculez combien de filles de Campbon ont participé à la fête.
On se moque des filles, mais attention, un sarcasme peut en cacher un autre. La chanson réserve une chute à rebondissement. C'est le clergé qui une fois de plus se fait brocarder. Le curé profite de la situation et impose une pénitence inattendue. Ce qui lui vaut parfois une réponse du genre « je n'embrasse pas les prêtres... »
Dans la seconde version de cette chanson, les filles de Campbon sont invitées à faire le voyage à Rome pour obtenir leur pardon. Rome, siège de la papauté, pouvait intervenir dans certains cas extrêmes comme l'annulation d'un mariage ou une demande de canonisation. Au cas présent, la disproportion entre la légèreté de la faute et la distance à parcourir peut être prise comme une forme de dérision. Une pénitence au moins aussi excessive que la murge qu'elles se prennent au cabaret local en guise de conclusion.

notes
1 – liste loin d'être limitative de communes, toutes situées en Loire-Atlantique. Mais notre but n'est pas d'en faire le tour.
2 – il ne nous en reste plus beaucoup en stock. N'attendez pas qu'il soit épuisé. (voir rubrique « nos éditions »)

interprètes : Françoise Bourse et Agnès Pihuit
source : Lucie Rastel, de Kerbourg en Saint Lyphard
catalogue P. Coirault : 11001 – les filles à qui on a refusé l'absolution
catalogue C. Laforte : I, C-18 – le curé de Paimpont

1 – version de Lucie Rastel
Ce sont les filles des forges, ce sont les filles des forges
de la Rivière en Campbon, dondaine et ridon
de Rivière en Campbon, dondaine

Elles s’en vont à confesse, elles s’en vont à confesse
Au curé du canton, dondaine…

Qu’avez-fait les filles / Pour demander pardon
J’avons couru les danses / les bals et les garçons
Nous avons bu chopine / Pour savoir s'il 'tait bon
Nous en avons bu quinze / Sans savoir s'il 'tait bon
Mais au bout d' la seizième / L'on a dit qu’il ‘tait bon
Pour votre pénitence / Nous nous embrasserons

2 - Texte de la version apprise de Stéphane Glotin, Pierre et Marie Orain
enregistrée sur le CD chants à la marche en Loire-Atlantique – Dastum 44 (2002)
Digue, digue dondon, les filles de la Rivière
Digue, digue dondon, d’la Rivière en Campbon

... Elles s’en vont à confesse / Au curé de Bouvron

Qu’avez-vous fait les filles / Pour venir de Campbon
J’avions couru les bals / Habillées en garçons
Portiez-vous des culottes / Dessous vos cotillons
Je portions des culottes / Mais point de cotillon
Faudra t’aller à Rome / Pour demander pardon
Sont allées jusqu’au Temple / Chez la mère Potiron
Apportez-nous chopine / Bouteille s’il est bon
Au bout de quinze chopines / Elles ont dit qu’il ‘tait bon
Sont point allées à Rome / N’ont point eu leur pardon.


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