vendredi 16 mars 2018

240 - La Corsairienne


Un petit nombre de chansons célèbrent les exploits des corsaires et autres flibustiers. Le « trente et un du mois d'août » est la plus connue. Son refrain s'adresse au roi d'Angleterre avec le même terme qui assura la célébrité d'un général nantais. C'est d'ailleurs son timbre qui a servi a l'élaboration de la chanson « la Corsairienne ».
Elle a été publiée pour la première fois au milieu du 19è siècle dans l'ouvrage de Guillaume de la Landelle « le gaillard d'avant ». C'est plus un chant sur le milieu maritime qu'un chant de marins au sens où on l'entend habituellement. Elle fait référence à des événements biens réels et nous renseigne sur des faits moins connus de cette activité : les rapports des équipages de course avec les financiers et la justice.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Deux versions ont servi à recomposer le texte de notre chanson. Outre celle de La Landelle, une autre version, avec des couplets absents dans la précédente, a été imprimée dans « l'histoire de la baie de Bourgneuf » de Louis Lacroix (1). Celui ci indique que c'est « à l'époque de la révolution. que fut, dit-on, composée la Corsairienne, remise en honneur en 1914 ».
Louis Lacroix, capitaine au long cours, et historien de la marine a publié de nombreux ouvrages sur les derniers temps de la marine à voile consacrés principalement à l'ère des grands voiliers. Ses publications et celles du commandant Hayet, sont des sources importantes du revivalisme des chants de marins.
Le texte de cette chanson est plus ou moins inspiré des aventures du corsaire nantais Jacques Cassard (2), mais pourrait aussi bien s'appliquer à d'autres comme Surcouf ou Dugay-Trouin. Ces intrépides gens de mer étaient beaucoup plus à l'aise sur leur élément, face aux tempêtes ou aux canons ennemis, qu'à terre face à leurs créanciers ou à l'administration royale.
La marine française des 17è et 18è siècles ayant pris beaucoup de retard face aux concurrents portugais, hollandais, espagnols et surtout anglais, la royauté trouvait plus simple et moins coûteux de confier certaines tâches guerrières...au privé. C'est ainsi que des armateurs, officiellement agréés par des lettres de marque du roi, finançaient des expéditions de course (origine du terme corsaire) en ayant pour garantie de se payer sur les prises faites à l'ennemi. Malheureusement pour ceux qui risquaient leur vie sur les vaisseaux, le retour n'était pas si simple. Les financiers, les armateurs réclamaient, bien sur, leur part. Mais les autorités étaient beaucoup plus regardantes au moment de récompenser les services rendus et trouvaient tous les prétextes pour spolier les corsaires de leurs gains.
C'est la mésaventure qui précipita la fin du nantais Jacques Cassard. Après des succès en Méditerranée et aux Antilles, il eut toutes les peines à récupérer son du. Se ruinant en procès et en bisbilles avec l'administration royale, il finit par perdre son sang froid et, semble-t-il, la raison, finissant ses jours interné au fort du Ham.
Voilà donc cette histoire résumée en chanson. Nul doute que celle ci ait pu rencontrer, plus tard, un certain succès dans les milieux maritimes. Les occasions pour les navigants de brocarder les terriens n'ont sans doute jamais manqué.

Cette chanson, entre autres, illustrera la veillée-concert que nous organisons mardi 27 mars à 20h. aux Archives Départementales de Loire-Atlantique, sur le thème « marins et corsaires ». A bientôt.


Notes
1 - Louis Lacroix (1877 – 1958) est originaire de La Bernerie-en-Retz (44) – auteur, entre autres, de : Les Derniers Grands Voiliers, Les Derniers Baleiniers Français, Les Derniers Cap-Horniers Français, Les Derniers Voiliers Morutiers Terreneuvas, Islandais, Groënlandais...et d'ouvrages sur l'histoire locale.
2 - Jacques Cassard (1679-1740) se fait remarquer par ses exploits contre des navires marchands sur les côtes de l'Angleterre. On lui confie l'escorte de convois de ravitaillements en Méditerranée et d'opérations de guerre dans les Antilles. Le manque de reconnaissance, notamment financière, pour ces actions a causé sa perte.

interprètes : Jean-Louis Auneau avec Jean Auffray, Dominique Juteau, Dominique Garino
sources : 1) Le gaillard d'avant, chansons maritimes, Guillaume de la Landelle – Paris 1865 / 2) Histoire de la Baie de Bourgneuf et de son littoral, Louis Lacroix – 1942


Au corsaire qui court son bord
Il faut la victoire ou la mort
Hale dessus, vive la France
En débordant de Saint Malo
Nos longs avirons battaient l'eau

En débordant de Saint Malo
Nos longs avirons battaient l'eau
Hale dessus et bonne chance
Au large, ouvre l'oeil matelot
Les meilleurs ships sont les plus gros

Notre péniche va filant
Plus raide qu'un poisson volant
Hale dessus, tu seras riche
Plus riche que douze mylords
Si la chance est pour nous dehors

J'ons rencontré un gros transport
Ayant son lest en lingots d'or
Hale dessus, à l'abordage
Nous le crochons, le voilà pris
Et j'ai mis le cap sur Paris

Flibustiers du papier timbré
M'ont mis à sec et m'ont coffré
Hale dessus, rage et colère
M'ont traité comme en Angleterre
Nous ont tout pris, c'est la misère

Un pied chaussé et l'autre nu
A bord je m'en suis revenu
Hale dessus les plus corsaires
Les corsaires les plus mauvais
Ne croisent pas contre l'anglais

Les juges et les avocats
Sont forbans comme on n'en voit pas
Hâle dessus, entrons en danse
Si l'on me recroche à Paris
C'est que les chats seront souris

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