vendredi 19 janvier 2018

232 - Le moulin de Saillé

Les moulins à vent, ou à eau, et leurs occupants, meuniers et meunières, ont une place importante dans la chanson traditionnelle. Lieux incontournables de l'économie des siècles passés ils sont aussi lieux de rencontre et d'aventures souvent comiques, parfois grivoises. Point de cela dans ces quelques couplets car la petite histoire locale du moulin de Saillé, en Guérande, est l’œuvre...du curé de Saillé !
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Cette chanson est donc de composition récente. Comme plusieurs autres textes du même auteur elle a été folklorisée. C'est à dire qu'elle est passée dans le répertoire de chanteurs de tradition orale. Ainsi, Pierre Tartoué, qui l'a chantée en 1995 à Guy Belliot, en avait fait une de ses chansons-signature, de celles qu'on associe volontiers à un interprète particulier.

Nous avons repris les trois premiers couplets, tels qu'il les a chantés. Le texte intégral se trouve dans le premier des quatre recueils de chansons composées par François Tuard, curé de Saillé au début du 20è siècle. Ce premier volume, publié en 1925, est consacré aux « chansons d'inspiration plus spécialement locale ». Parmi ces chansons passées dans le répertoire populaire local, il en est une aux intonations « patoisantes » qui apparaît fréquemment au détour des collectes : « Ma vache à maï ». Nous en avons déjà publié une autre, célébrant un accessoire indispensable de la vie rurale (le parapluie – n° 143 – mars 2016 ) ainsi que la prise de tabac (N° 153 – mai 2016). Les volumes suivants compilent des textes d'inspiration plus religieuse.

Le curé de Saillé a contribué, en son temps, à la préservation des traditions avec quelques objectifs bien précis : occuper la jeunesse locale et attirer les touristes, par exemple. Donner aussi quelques leçons de morale aux paroissiens a sans doute fait partie de ses préoccupations. Dans ce domaine, une bonne chanson vaut mieux qu'un long sermon !
Au cas présent, l'auteur en profite pour égratigner les prétendus travers d'une profession. C'est une constante dans les chansons au sujet des meuniers. La transformation du grain en farine et en son a toujours donné des inquiétudes aux paysans sur le risque de ne pas récupérer l'intégralité de leur marchandise. Fantasme (souvent) ou réalité (parfois) ont alimenté la verve des compositeurs populaires et même de notre curé qui joue habilement sur les sens du verbe voler.
Puisqu'on en est à parler de tourisme, quand vous passerez par Saillé, quittez la route qui va de Guérande au Bourg de Batz. Le moulin n'est, bien sur, plus en activité. Il date des années 1750 et a perdu sa charpente suite à un incendie en 1946.
NB : nous vous donnons aussi les trois derniers couplets (en italique) qui n'ont pas été chantés.

interprète: Dominique Juteau, avec réponses de Dominique Garino, Jean-Louis Auneau et Jean Auffray
source orale: chanté à Guy Belliot par Pierre Tartoué en 1995
source écrite : Chansons de Saillé - 1er volume (chansons d'inspiration plus spécialement locale) par François Tuard, curé de Saillé – 1925 - page 8 (imprimerie Goubault à Nantes)


Le moulin d'Saillé
Y n'a rien qu'un pied
On dit qu'c'est pour ça
Qu'y ne marche pas
Que voulez vous qu'on y fasse
Y reste toujours en place
J'ai oui dire qu'il y a des gens
Qui f'raient bien d'en faire autant

Le moulin d'chez nous
Y vole pas du tout
A beau s'agiter
Y n'peut pas monter
Il a beau avoir des ailes
Y n'peut suivre les hirondelles
Mais tout l'monde dit que l'meunier
Au contraire sait bien voler

Le moulin d'ici
N'est jamais assis
Y se tient tout droit
Raide comme la loi
Un rhumatisme de naissance
L'empêche de plier sa panse
Et comme les hommes qui sont debout
Y n'peut pas se mettre à genoux

Not' moulin à nous
Y n'est pas si fou
Y torne tout le temps
Du coté du vent
Y s'en va tout à la douce
Et le vent du ciel le pousse
Tâchons tous de l'imiter
Et tournons du bon coté

L'meunier du moulin
Est un vieux malin
A pas l'temps d'bailler
Y fait qu'travailler
Il est couvert de farine
Ça lui donne une fichue mine
Mais quel homme intéressant
Y vous fait voir tout en blanc

On voit des moulins
Partout plus ou moins
Tout le monde est charmé
De les voir tourner
Y s'ressemblent tous, on devine
Qu'y font tous de la farine
Mais dans l'univers entier
Y'a qu'n qu'est l'moulin d'Saillé


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