vendredi 30 juin 2017

207 - Entre vous, jeunes hommes

Mais quel métier fait-elle cette femme qui s'absente toute la nuit et ne revient qu'au point du jour ? Une activité qui ressemble à s'y méprendre au plus vieux métier du monde et lui assure des revenus réguliers. Vous trouvez qu'on exagère dans l'interprétation de cette chanson de mari trompé ? En tous cas la symbolique du plantage de choux est à coup sur, celle du cocufiage. L'insistance sur l'argent gagné laisse tout au plus des doutes sur le rôle du mari, victime plus ou moins consentante des écarts de conduite de sa femme.
Cette chanson est assez répandue dans la presqu'ile guérandaise. Notre interprétation mixe un texte publié par Fernand Guériff avec la mélodie d'un bal paludier. Elle a déjà été enregistrée sur un disque Dastum de la série « tradition vivante de Bretagne »(1).
pour écouter la chanson et lire la suite


Plusieurs versions de cette chanson ont été collectées dans ce secteur. Le texte de celle ci correspond à celui noté par Fernand Guériff auprès de Marie-Louise Tattevin de Mesquer, publié dans le premier tome de ses recueils (2). La mélodie n'est pas celle donnée par Guériff mais se retrouve dans les collectes de Mme Crusson par Roland Brou ou de M. Sébillot par Hervé Dréan. Vous pouvez les entendre en consultant la base Dastumedia.
Pour lever les doutes sur l'action de planter ou cueillir des choux, nous ferons référence à une chanson plus ancienne extraite du « manuscrit de Lucques » (16ème siècle) et citée par Conrad Laforte :
Hier matin je me levay / bien peu devant le jour
c'était pour cueillir des choux...
le premier que je trouvai / ce fut mon ami doux...
cueillerai-je avec vous...etc
Cette présentation est plus explicite. Même si le chou reste avant tout un symbole de fécondité, sensé accueillir la naissance des petits enfants, les chansons en font le plus souvent l'image de la tromperie conjugale. Voyez à ce sujet un autre thème déjà publié dans ce blog : j'ai perdu ma femme...chanson N° 146.
En préambule nous avons donc émis des doutes sur l'attitude du mari trompé. Il est vrai que cette version en elle même ne donne pas tout les détails de l'affaire. On ne nous dit pas tout. Alors prenons les indices dans l'ordre. Tout commence comme une de ces chansons de conseils aux futurs mariés : ne prenez point femme plus belle que vous...en grand danger d'être jaloux ou trompé seriez vous. C'est bien ce qui se passe ici car elle lui « joue des tours ». Mais là où ça se corse c'est qu'il est très rapidement question d'argent. Un sou par jour ce n'est pas la richesse nous ferez vous remarquer. Ce n'est effectivement pas cher payé par rapport à bien d'autres versions entendues de ci de là :
6 francs par semaine ça fait 20 sous par jour
100 francs de l'heure 1200 francs par jour
ou même jusqu'à :
300 francs par heure 1800 francs par jour
qui dit mieux ? Personne pour les tarifs que nous ne chercherons pas à convertir en euros, mais sur l'emploi ça devient scabreux :
Je gagne ma vie et la votre itou
proclame la gagneuse dans une chanson collectée par Charles Loyer à Pontchâteau (3). Ce qui nous permet d'émettre des doutes sur la relative passivité du cocu. D'une certaine manière, il y trouve son compte. Mais il y a un prix à payer. C'est au détriment de sa réputation. Bien souvent la chanson se termine par l'investissement des gains dans un bœuf ou une chèvre, dont les cornes serviront à faire des peignes ou des manches de rasoir pour peigner ou raser les jaloux.
Nous laisserons le mot de la fin à cette version entendue en Mayenne (4)
de cet argent qu'en ferons nous
nous achèterons une chèvre
les cornes seront pour vous
nous les mettrons sur ta tête
ton chapeau couvrira tout

notes
1 - interprétée par Roland Brou sur le CD « chansons à danser en presqu'ile guérandaise » (Dastum – tradition vivante de Bretagne n° 11 – 1999) disque aujourd'hui épuisé et dont la réédition n'est pas envisagée
2 – plusieurs versions dans les pages consacrées au répertoire de Mme Tattevin : page 241 et 242, tome 1 du trésor des chansons populaires folkloriques recueillies au pays de Guérande.
3 – et reprise dans les ouvrages de F. Guériff et A. Guéraud
4 – Ecoutez gens de la Mayenne, page 190 (éd : Mayenne culture - 2016)

Interprète : Laurence-Anne Hay et les membres de l'atelier chant de Dastum 44 à Blain
source : d'après une version chantée par Roland Brou à Guérande (Loire-Atlantique) le 17 septembre 1995
catalogue P. Coirault : La femme qui ne revient qu’au point du jour (Maris trompés - N° 05911)
catalogue C. Laforte : La femme volage (1-E–10)

(rond paludier)

Entre vous jeunes hommes qui vous mariez tous (bis)
Ne prenez point femmes, dondaine, plus belles que vous, tous les jours

Ne prenez point femmes plus belles que vous (
bis)
Moi j’en ai pris une, dondaine, qui me joue des tours, tous les jours…

Elle part le soir, ne revient qu’au jour
Je lui ai dit : femme, femme, d’où venez-vous

Je viens de la vigne y planter des choux
Je lui demande : femme, combien gagnez-vous

Six sous par semaine, soit un sou par jour
Si vous voulez femme, j’irai avec vous

Oh, nenni, dit-elle, vous casseriez tout
Casseriez-vous la vigne et les plants de chou.


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