vendredi 16 juin 2017

205 - Sous le bois joli

Comme le disait un homme politique de la quatrième république (1), « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». Ce qui vaut pour les promesses électorales est également vrai pour les déclarations d'avant mariage. C'est ce que nous rappelle implicitement cette chanson. Comme pour une élection, la jeune fille a fait un choix. Échappant au mariage avec un vieux, source de bien des ennuis comme nous l'avons déjà vu, elle croyait tenir le bon candidat. Hélas, il se révèle ivrogne et violent.
Cette chanson semble réservée aux marches de noces. Elle fait partie de ces conseils en forme d'avertissements qu'on se fait un malin plaisir de prodiguer aux jeunes époux le jour même de la cérémonie. Elle n'est pas la seule à attirer l'attention sur le changement de comportement des garçons après le mariage, avec cette fois un net penchant pour la boisson.
Pour écouter la chanson et lire la suite :

Pour une fois nous allons associer ce texte à un secteur géographique défini. D'après nos recherches, il semble bien que toutes les versions connues aient été répertoriées dans un triangle Redon-Rennes-Châteaubriant (2). Elles utilisent toutes des refrains du type sous le bois joli / sur le vert joli, et des mélodies proches. Peut on en déduire que la chanson est originaire de ce territoire ? Pas nécessairement, mais qu'elle y a été bien conservée, assurément.
D'une version à l'autre les premiers couplets sont en général identiques. C'est à partir du moment où le mari rentre de l'auberge dans un état lamentable que les textes changent.
S'il n'arrive même plus à ouvrir la porte, la mariée peut se précipiter à sa rencontre :
promptement je me lève, la porte à lui ouvrir
ou au contraire, le laisser cuver son vin dehors :
ma porte je n'ouvre pas, à ces coureurs de nuit
sans se priver de lui faire la morale :
retourne avec tes belles, pour moi tout est fini
Ce sont les conclusions de chansons collectées par Albert Poulain à Saint-Just (35), Hervé Dréan à Saint-Dolay (56) et Gilbert Hervieux à Allaire (56). Elles trouvent un écho dans une fameuse chanson du répertoire cajun de Louisiane :
Tu peux cogner mais tu vas pas rentrer
J'ai la clef de la porte d'en arrière...
Dans les versions plus anciennes le mari se révèle souvent violent. Voici ce qu'en disent les ouvrages d'Adolphe Orain et Louis Esquieu (3) :
il cassera ma table, les quenouill's de mon lit (Orain)
Il cogne sur la berne et sur moi aussi...chez Esquieu, qui intitule la chanson la femme battue.
Comme on le voit, les paroles chantées à Patrick Bardoul par Francis Lemaitre de Sion-les-mines restent bien en deçà. Elles s'arrêtent avant les horreurs de la scène de ménage. Peut être le temps d'éloigner les enfants.
Et dans bien des cas si la mariée rappelle à son ivrogne :
ce sont-y des promesses que tu m'avais promis
la réponse nous ramène aux propos du petit père Queuille :
si je t'ai fait des promesses / A présent j'm'en dédis
Publier cette chanson en période électorale n'a rien d'intentionnel. Toute ressemblance avec des personnages connus est bien entendu fortuite. Même si souvent, comme le souligne A. Orain dans son recueil, cette chanson à la marche « désigne, pour faire rire, celui des invités qui n'a pas la réputation d'être tendre avec sa femme, ou bien encore un jaloux ou un ivrogne ».

notes
1 - Henri Queuille, plusieurs fois président du conseil des ministres dans les années 50. Citation reprise par un certain Pasqua dans les années 80
2 – à quelques kilomètres près ; c'est quand même pas le triangle des Bermudes !
3 – Adolphe Orain, le folklore de l'Ille et Vilaine (1897) et Louis Esquieu, chansons populaires recueillies en Iiie et Vilaine (1907)

interprète : Nicolas Pinel avec Dominique Juteau et Rémi Vachon
source : Francis Lemaître de Sion-les-Mines (44) collectage de Patrick Bardoul en décembre 1991
catalogue P. Coirault : Le jeune mari ivrogne (Soucis et inconvénients du mariage – N° 05424)

Sous le bois, petit bois, c'est à vous autres, les filles ( bis )
Sous le bois joli d'y choisir un mari ( bis )

Sous le bois, petit bois n'en prenez pas un jeune ( bis )
Sous le bois joli ni un trop vieux aussi

Sous le bois... moi j'en ai pris un jeune
Sous le bois... J'crois qu'il m'y f'ra mourir

Il s'en va à l'auberge
Ne rentre qu'à minuit

Frappe du pied dans la porte
Dormez-vous tous ici

J'n'y dors, ni j’n’y sommeille
Je n’pense qu'à mon mari

N'y pensez plus la belle
C'est lui qu'arrive ici.


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