vendredi 2 juin 2017

203 - Les filles de Nozay

Nous avons déjà chanté les filles du Loroux, du Croisic ou de Saint-Etienne...voici celles de Nozay. Mais, si un texte a bien mérité le qualificatif de chanson-type c'est celui ci, adaptable sans trop de difficulté à tous les lieux-dits de une à trois syllabes. Il fait partie de ce que la tradition définit comme le blason populaire, c'est à dire des dictons ou des histoires facétieuses s'appliquant à la population d'une commune, d'un village, d'une paroisse ou d'un quartier.
Comme le précisait Mme Renaud, auprès de qui Pierre Guillard a récupéré cette chanson, on peut aussi bien la chanter avec les filles d'Abbaretz ou de Saffré. Nous voici donc avec une chanson au nom interchangeable. Faites attention avec qui et où vous la chanterez car vous risquez de vous y faire très rapidement des «ami(e)s».
pour écouter la chanson et lire la suite


La chanson de la « lettre au curé » est structurée en plusieurs parties. Dans le premier couplet on situe donc géographiquement l'action. Nous en avons recensé des dizaines dans tout le pays (1). Pour ne vexer personne nous utiliserons un lieu imaginaire à titre d'exemple (2). On y suppose que les filles ne trouvent aucun prétendant. Pour quelle raison ? C'est ce que nous allons voir. Dans certaines versions plus récentes on entend parfois :
« Trifouilly » c'est un sale trou
où il y a des filles qui sont moches comme tout...
Mais le plus souvent il faut attendre les couplets suivants pour comprendre.
Dans un second temps les filles s'adressent au curé ou à son vicaire pour faire une publication. Jusqu'ici tout va bien. Dans notre version les garçons semblent même satisfaits et s'en vont fêter ça à l'auberge. Mais la réaction ne se fait pas attendre : pas question d'accepter la proposition. La troisième partie de la chanson explique les raisons du refus. Ce n'est pas tant la laideur des filles (comme ci dessus) qui est mise en cause que certains traits de leur caractère. Elles sont trop fières, trop coquettes ou trop sournoises...selon les endroits. Certaines versions nous donnent même des détails plus précis. C'est parfois l'ivrognerie :
Elles ont tout bu de ce jus de la treille
Les filles de Trifouilly elles aiment trop la bouteille
C'est souvent un manque d'éducation :
elles n'racommodent même pas leurs bas
elles s'en vont le dimanche à la messe
leurs jupons déchiré qui laissent voir leurs fesses
Une autre raison apparaît dans notre chanson, et assez fréquemment dans d'autres versions, c'est que ces filles ne seraient pas des modèles de vertu. Ici on raconte qu'elles
font des amours en cachette
... sur la fougère verte
ailleurs on les a vues :
à l'ombre d'un buisson,
elles jouent de la clarinette !
Faut-il vous faire un dessin ? Et si certains garçons sont si affirmatifs c'est qu'eux mêmes, parfois, ont participé aux réjouissances :
tous les soirs en dehors de la ville
nous avons fait ce que nous avons voulu de ces jeunes filles
Bien sur, cette chanson n'est pas la seule a se moquer ouvertement d'un village à cause de la moralité de ses filles. Deux autres exemples sont assez connus :
- les filles des Forges de Paimpont - mais aussi de Campbon ou du Clion pour ne citer que notre beau département – auxquelles le curé refuse l'absolution.
- les filles qui vont de porte en porte chercher des boutons de culotte ; chanson qui semble réservée à certains villages (Sion , Haut-Bergon, Saint-Gorgon...) pour une question de rime avec « boutons » !
Notez que dans ces deux exemples, comme dans celui de la lettre au curé, il est question de culottes et de cotillons et que l'affaire se termine au cabaret. C'est avec les vieilles recettes qu'on fait les meilleures chansons.


interprètes : Jean-Louis Auneau avec Daniel Lehuédé et Dominique Juteau
source : Aurélie Renaud de Nozay, collectée par Pierre Guillard le 3 juillet 1991
catalogue Coirault : la lettre au curé – 1111
catalogue Laforte : les filles qui demandent les garçons – II, O-21

notes
1 – entre autres : La Rua et Montbardon (05) Genneville (14) Chaux (21) Chenecey et Vésigneux (25) Plonéour et Quimperlé (29) Vitré (35) Saint Martin (36) Cras (38) Vorey (43) Abbaretz, Lusanger, Saffré (44) Astaffort (47) Vern (49) Lingreville et Saint Georges (50) Béganne, Bohal, Lanouée, Qusetembert et Séné (56) Hery, Landry et Bourg St Maurice (73) Argentière et Villards (74) Challans (85) Gençay (86) Grosmagny (90) Chatillon (Val d'Aoste) Vermilion (Louisiane)
2 – la célèbre Trifouilly-les-oies, commune jumelée avec Pétaouchnock et Perpette les bains.

La lettre au curé

A Nozay si vous saviez
Il y a des filles à marier
Il y en a des petites et des grandes
De bonnes à marier personne ne les demande

Par un dimanche la matinée
Au presbytère elle sont allées
La elles ont dit bonjour monsieur le vicaire
Faudra nous publier à la grand messe en chaire

Monsieur le vicaire n'a point manqué
A la grand messe a publié
Là il a dit jeunes gens je vous en prie
C'est les filles de Nozay qui veulent qu'on les marie

Après la messe les jeunes gens sont allés
Dans une auberge s'y concilier
Buvons trinquons à la réjouissance
Il faut nous marier car les filles nous demandent

Mais le plus jeune a répondu
Oh de ces jeunes filles on n'en veut plus
Car elles ont fait des amours en cachette
Par derrière les buissons dessus la fougère verte


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