vendredi 7 avril 2017

195 - Mon père mariez moi donc

Qu'allait-elle faire à la fontaine ? demandions nous à propos d'une précédente chanson, celle de la fille au cresson. Cette fois la réponse est on ne peut plus claire, comme l'eau de la fontaine. Si cette chanson n'est pas répertoriée en tant que telle dans les catalogues de la chanson populaire, elle emprunte ses arguments aux répertoires des filles pressées de se marier ainsi qu'aux rencontres amoureuses au bord de l'eau. Elle a été chantée à Fernand Guériff par une « dame Le Gall de Saillé d'après le répertoire d'une demoiselle Braire de Clis, recueilli par Mlle Rio ». Une chanson typiquement guérandaise donc. A ce propos vous a-t-on rappelé que les ouvrages de Guériff sont en promotion en ce début de printemps ? Oui, alors passons à la suite.
Pour lire la suite et écouter la chanson


Dans les chansons traditionnelles les filles impatientes de se marier invoquent principalement deux arguments : le désir de faire comme les autres pour les plus jeunes et la crainte de rester vieille fille pour les plus âgées. La réponse des parents se traduit souvent par des manœuvres dilatoires : « espère encore un an » ou par des menaces de couvent. La crainte de voir la fille prendre un mauvais parti, ivrogne, bambocheur ou coureur de dot, est une raison fréquente. L'argent, ou son manque, est aussi un argument important. Quelle que soit la raison invoquée, l'impatience se traduit fréquemment par la menace de faire du ravage ou du tapage. La formule est bien répandue avec une chanson type connue chez nous sous le titre des « gars de Locminé ».
La notre se plaint d'être abandonnée de ses parents et fréquente un site de rencontres. Car c'est bien de cette manière qu'on peut qualifier la fontaine, comme nous l'avons déjà expliqué (1). Ici intervient un épisode pour lequel nous devons quelques explications :
Elle a pris son bureau d'argent
A notre connaissance, ce bureau là n’apparaît pas dans les lexiques de la langue française. Il s'agirait d'une sorte de récipient métallique qu'elle utiliserait pour aller puiser de l'eau. Une grosse cruche en quelque sorte (le bureau, pas la fille!) et comme c'est une famille qui a les moyens, elle est en argent. On ne se refuse rien dans les chansons traditionnelles !. En tous cas, un bureau d'argent n'a rien à voir avec une agence bancaire. Ce n'est pas pour se moquer que nous ajoutons cette précision. Si vous avez du mal à vous faire à cet humour à deux balles, songez que c'est encore moins évident pour la centaine d'internautes étrangers qui fréquentent quotidiennement ce blog. Encore que parmi eux la régularité avec laquelle les visites proviennent des USA depuis quelques mois nous fasse plus penser à des connections de robots qu'à un intérêt massif pour la chanson française. Nous profitons quand même de l'occasion pour adresser un salut amical à nos visiteurs belges, canadiens, allemands, italiens, russes...et à tous les autres.
Bref, sur son site de rencontre la belle a fait son choix. Prestige de l'uniforme oblige, ce sont trois capitaines qui lui font la cour. Peut être lui conseilleriez vous de se méfier car vous connaissez des chansons ou la fréquentation de capitaines peut déboucher sur des aventures rocambolesques : finir à Paris dans une maison ou être obligée de faire la morte pour son honneur garder.
Bien que sortie de nos éditions, cette chanson se retrouve aussi dans les archives sonores. Vous en trouverez un exemple sur la base dastumedia, interprétée par Pierre Tartoué, de Guérande (2).


notes
1 – la fille au cresson – chanson n° 189 de ce blog
2 - Fichier numérisé. a56164 sur Dastumédia

interprètes : Liliane Berthe avec Janig Juteau et Martine Lehuédé
source : Fernand Guériff – tome IV du Trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande, page 58

Mon père mariez moi donc –
Bon bon dondaine don
Mettez moi en ménage

Ma fille espère encore un an
Un an ou davantage

Mais lorsque l'année fut finie
La belle faisait tapage

Elle a pris son bureau d'argent
S'en fut à la fontaine

En son chemin a rencontré
Trois jeunes capitaines

Que faites vous, où allez vous ,
Fillette abandonnée

Abandonnée je ne suis pas
Que de mes père et mère

Fillette qu'avez trois amants

N'est pas abandonnée

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