vendredi 16 décembre 2016

180 - Son voile qui volait

Après vous avoir abreuvé de drames sanglants et de désertions qui finissent dans les pleurs, nous nous sentons maintenant d'humeur plutôt badine. Ce n'est pas encore le retour du printemps qui nous rend guillerets mais le besoin d'échapper à la grisaille ambiante. Comme la semaine dernière voici donc une chanson légère. Légère comme le jupon de cette jeune fille avec lequel joue le vent. Encore une fois c'est le double sens qui domine dans cette chanson. Nous resterons donc volontairement « légers » sur les commentaires cette semaine.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Nos archives sonores possèdent de nombreux exemples de cette chanson collectés aux quatre coins du département de Loire-Atlantique : d'Ancenis au Pays de Retz et de Chateaubriant au pays Mitaud. Elle est aussi très connue chez les voisins morbihanais ou vendéens, ainsi que dans d'autres régions et particulièrement au Canada.
La version que nous vous présentons vient d'Herbignac. Notée en 1976, elle figure aussi dans le tome 2 des collectes rassemblées par Hervé Dréan sous le titre « Instants de mémoire » (toujours disponible sur son site). 
C'est une symphonie en blanc que nous présente cette chanson. Tout y est dans le ton, des pétales de roses (1) aux accessoires vestimentaires de la jeune fille : jupon, jarretière, ruban, bas ou pantalon...selon les variantes, avec juste quelques nuances de rose.
Dans les chansons traditionnelles, les roses blanches sont à la fois le symbole de l'amour et celui de la pureté des sentiments. C'était bien avant que la chanson populaire ne fasse des « roses blanches » un épouvantable un mélo. Cette blancheur virginale contraste tout de même avec les sous entendus qui parsèment ces quelques lignes. D'abord le vent qui se charge de réaliser les souhaits des voyeurs que nous sommes. Puis ce défilé de mode énumérant les pièces de textile qui cachent ce qu'on souhaite dévoiler. Enfin la fausse pudeur qui feint de désigner ce à quoi on pense tout en s'offusquant qu'on ait pu y penser. A ce sujet, bien des versions ajoutent un commentaire, absent de celle ci. Le plus courant étant :
De ce que je veux dire: la boucle de son ruban
Malheur à vous, messieurs, qui pensiez autrement
La toute jeune héroïne involontaire de l'histoire est ici restée dans l'anonymat. D'elle on apprend parfois qu'elle est « la fille du président » ou une «jeune fille au retour du couvent ». Elle est carrément nommée dans une version vendéenne : « la belle Hélène, une fille de Challans ».
Le refrain son voile qui volait est donc connu dans tout l'Ouest de la France et aussi très populaire au Canada. Le même texte est parfois associé à un refrain différent du genre :
Dansez jeunes bergères
Sautez légèrement
Le thème est sans doute fort ancien, puisque déjà imprimé au 17ème siècle. Il a su résister au temps en raison de son caractère grivois. Ce qui ne l'a pas empêché d'être endisqué (2) à plusieurs reprises au Canada (Ovila Légaré, Pierre Daignault, Edith Butler...) et en France par Marie Dubas en 1932 et les Charlots dans les années 80 !

Changeons de thème. Dans huit jours c'est Noël. Nous n'avons pas mis en ligne de chanson spécifique, mais si vous voulez en retrouver sur ce sujet, toutes notées en Loire-Atlantique, voici la liste de celles déjà publiées sur ce blog :
N° 29 – le Noël des oiseaux (novembre 2013)
N° 145 – D'où viens tu bergère ? (mars 2016)
N° 158 – la fuite en Egypte (juin 2016)

notes
1 – ou le laurier blanc dans certaines versions. Des légendes prétendent que les roses étaient blanches à l'origine ; leur coloration serait due au sang !
2 - enregistré sur disque. Le terme est utilisé par les québécois, mais on peut leur faire confiance pour ce qui est de faire évoluer le français.

interprètes : Daniel Lehuédé avec Jean Auffray et Jean-Louis Auneau
source : Anna Lanio et Pierre-Marie Pédron, d' Herbignac (Loire-Atlantique) collectage : Hervé Dréan, Kloé Chatal et Yannick Robert en février 1976
catalogue P. Coirault : La jarretière de la fille du président (Amourettes - N° 01826)
catalogue C. Laforte : Son voile qui volait (I, O-02)

Son voile qui volait

C’était une jeune fille qui n’avait pas quinze ans
Qui n’avait pas quinze ans (bis)
Elle s’était endormie au pied d’un rosier blanc

refrain
Son voile par ci, son voile par là
Son voile qui volait, qui volait
Son voile qui volait au vent

Elle s’était endormie au pied d’un rosier blanc
Au pied d’un rosier blanc (bis)
Le vent souleva sa robe, souleva son jupon blanc

… Ses belles jarretières roses et son pantalon blanc

… Et autre chose aussi de bien plus séduisant

… Heureux, heureux celui qui sera son amant

… Il aura le plaisir de lui prendre souvent.


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