vendredi 4 septembre 2015

118 - La complainte du Bois-Vert

La complainte criminelle est un genre qui n'a pas survécu à la télévision. Ce que les actualités nous donnent aujourd'hui quasiment en direct se transmettait aussi autrefois par ce média. Avant l'arrivée de la radio puis de la télé, la relation des événements marquants utilisait beaucoup la chanson diffusée sur feuille volante.
Nous avons déjà donné un exemple d'événement local traité de cette façon avec la chanson Les mystères de l'Erdre (1). La complainte du Bois Vert est plus récente mais correspond au même besoin de mémoire locale et utilise le même procédé : un texte lyrique et édifiant, n’hésitant pas à mettre l’accent sur les détails les plus affreux afin d’affecter les esprits.
Vous pouvez entendre l'enregistrement original de cette chanson dans le double CD Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique que nous avons publié en 2012. Depuis sa parution nous en avons appris un peu plus sur ce fait divers.
pour lire la suite et écouter la chanson:


Dans les notes de ce double CD nous indiquions : « Le crime relaté ici est postérieur à 1920 (année de composition d’Une chanson dans la nuit, par Romain Desmoulins, timbre sur lequel il est chanté) ». Nos recherches et celles d'un historien de la commune ont permis d'apporter quelques précisons.
C'est au début de juillet 1929 qu'à eu lieu ce fait divers. Joseph Olivier, 18 ans, valet de ferme, a violé et étranglé la fille de ses patrons, Marguerite Riochet âgée de 9 ans (2). Ce garçon, décrit comme un être frustre, est néanmoins reconnu responsable de ses actes et envoyé aux assises. Le caractère odieux du crime dépeint dans la complainte est résumé par le journal : aux gendarmes qui lui demandaient le mobile de son acte il a répondu : « pour m'amuser ». On comprend alors mieux le coté vindicatif du dernier couplet !
Cet événement a aussi fait la une de la revue Détective (3) ou Olivier apparaît entre deux gendarmes. Sous le titre « Crime au village » un commentaire est ajouté : « ce jeune domestique de ferme a étranglé sauvagement une fillette de neuf ans et nulle émotion ne paraît sur son visage après l'aveu de son horrible crime ».
Le village de Bois Vert est situé sur la commune d'Abbaretz en Loire-Atlantique. Il est plus connu à cause d'une curiosité naturelle : un terril culminant à 121 mètres. Aujourd'hui transformé en base de loisirs, il est le produit de l'exploitation de mines d'étain. Connu depuis l'époque romaine, ce site a surtout travaillé de 1945 à la fin des années cinquante.


Notes
1 – chanson n°79 en novembre 2014 - crime datant de 1884
2 – d'après le quotidien Ouest-Eclair du 7 juillet 1929 qui relate l'enquête des gendarmes
3 – Détective n° 37 du 11 juillet 1929 - 
la photo à la une du magazine

source : Georgette Bossé, enregistrée à Erbray, en octobre 1986, par Patrick Bardoul
interprètes : Martine Lehuédé et Janig Juteau

COMPLAINTE DU BOIS-VERT

Dans l'arrondissement de Châteaubriant
Dans la Loire Inférieure
Une fillette a quitté sa demeure
Pour aller dans les champs
C'est dans le joli village de Bois-Vert
Qu'habitait la gamine
Pauvre petite qui vient d'être victime
D'une brute sanguinaire

Tandis qu'elle était allée dans les champs
Pour y garder ses vaches
Un valet d’ferme, une brute sauvage
S'approcha de l'enfant
Mais la fillette fut prise de peur
En voyant cette brute
Elle se sauva mais une courte lutte
L'étrangla de douleur

Mères, écoutez les cris de l'enfant chérie
Que pousse la gosse
Tandis que le lâche bandit serre sans répit
Son cou, c’est atroce
Elle appelle sa maman
En cris déchirants, horrible détresse
Oh, pour vous pauvres parents
Quelle tristesse

Comment se peut-il avoir de tel bandit
Sur la terre de France
Qui lâchement sans pitié l'innocence
Assassinent nos pauvres petits
Quand il eut mis à mort la pauvre enfant
Il la viola comme une bête
Puis tranquillement sans perdre la tête
Il alla plaindre les parents

Tandis que tombe la nuit
Cet être maudit monte à bicyclette
Pour aller chez l’médecin
Et sur son chemin poursuit une chansonnette
Que l'on supprime bientôt ces tueurs de petiots
Ces brutes inhumaines
Qui ne sèment que des sanglots, que des peines.

1 commentaire:

  1. Daniel Braud, écrivain originaire d'Abbaretz, vient de publier un roman basé sur ce fait divers. Titre: Matricule 50820 - éditions Ex Aequo.
    L'ouvrage est sous titré "d'Abbaretz au bagne de Guyanne"

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