vendredi 20 mars 2015

97 - Là-bas, y’a un petit bois

Quelle histoire ! Le garçon et la fille sont allés au bois. Ce qui laisse sous entendre un peu plus qu'on ne veut bien nous dire. La fille s'est blessée avec une « épine noire » et s'en est rendue malade. Voilà de la métaphore de première classe. Le galant est allé cherché sa mère. Pour soigner la fille ? Mais de quel mal étrange ? Quand il revient sa mie est morte et, de chagrin, il va se faire lui même un sort. Mais c'était pour de rire ! Même pas mal ! Heureusement parce que la feinte n'était juste que pour vérifier les sentiments du garçon.
Quelle histoire ! Qu'est ce qui justifie l'intervention de la mère ? Et quel est le rôle du rossignol dans cette aventure ?
C'est ce que nous allons voir.
pour écouter la chanson et lire la suite


Reprenons : cette version de l'épine noire, notée par Soreau dans le sud du département, près de Clisson, est un concentré de poésie populaire. Mais pour découvrir tous les détails qui nous échappent nous allons devoir la comparer avec d'autres versions. Il n'en manque pas ; cette chanson est même citée dans le roman de George Sand « les maîtres sonneurs »
Vous pouvez déjà en entendre une très belle interprétation sur le CD des 10 ans de la fête du chant de Bovel (1), par les sœurs Réminiac, chanteuses traditionnelles de Quelnoeuc (56). Elle comprend un dialogue entre le gars et la fille dont les relations avec sa mère ne semblent pas au mieux. Peut être faut-il en chercher la raison dans la situation du jeune couple car, vous l'aviez compris, les soucis de la fille sont causés par une grossesse hors mariage, situation peu enviable à l'époque où cette chanson a du être composée. Nos compères Coirault et Laforte l'ont d'ailleurs baptisée « la belle qui accouche au bois » ou «  l'amant qui voit accoucher sa mie ».
Les versions poitevines éditées par Bujeaud (2) sont très explicites : la belle est en mal d'enfant. Si le garçon est parti chercher sa mère c'est pour aider à l'accouchement. C'est le rossignol, ou l'alouette, qui annoncent au galant de retour au bois que sa mie est morte. Cet oiseau de mauvais augure pourrait précipiter une fin tragique si le dénouement heureux ne nous apprenait que la belle voulait seulement tester la sincérité du garçon. Pourtant, une version collectée en Ile et Vilaine (3) n'échappe pas au drame, malgré la naissance de « deux petits enfants qui bougeaient sous les robes ». Le héros de cette aventure y est décrit comme le fils du roi d'Espagne qui a voulu enlever une noble dame. Heureusement ce dénouement tragique reste un cas isolé. La formule « c'était pour savoir si tes amours étaient fortes » est la conclusion habituelle de ce texte ancien.

notes
1 – double CD publié en 2005 par l'Epille et Dastum – la fête du chant à Bovel c'est bientôt.
2 - Jérôme Bujeaud dans chansons populaires des provinces de l'ouest (1895) 2 versions dont une reprise par Armand Guéraud dans ses « chants populaires du comté nantais et du bas Poitou. Celle notée par Léon Pineau dans « le foolklore du Poitou (1892) parle d'une épine blanche.
3 – Lucien Decombe – chants populaires d'Ille et Vilaine (1881)

source : M. Grégoire, à Gétigné, le 12 septembre 1896 – collectes d'Abel Soreau, publiées sous le titre « vieilles chansons du Pays Nantais ».
interprètes : Bruno Nourry, Jean-Louis Auneau et Daniel Lehuédé
catalogue Coirault : La belle qui accouche au bois - 1527
catalogue Laforte : L'amant qui voit sa mie accoucher - 2-C-50


Là-bas, y’a un petit bois

Là-bas, y’a t’un p’tit bois, j’entends le rossignolet
Là-bas, y’a t’un p’tit bois où y’a t’une épine noire
Où ma mie et pis moi nous allions à l’ombrage, j’entends le rossignolet
Où ma mie et pis moi nous allions à l’ombrage

A l’épine du bois, j’entends le rossignolet
A l’épine du bois, elle s’est blessée, ma mie
Ma mie si tu l’voulais, j’irais chercher ta mère, j’entends le rossignolet
Ma mie si tu l’voulais, j’irais chercher ta mère

S’en va comme le vent, j’entends le rossignolet
S’en va comme le vent, revient comme arondelle
Oh maman, venez donc, ma mie elle est malade, j’entends le rossignolet
Oh maman, venez donc, ma mie elle est malade

Quand il revient au bois, j’entends le rossignolet
Quand il revient du bois, la mie elle était morte
Il empoigne son couteau dans le cœur il s’le donne, j’entends le rossignolet
Il empoigne son couteau, dans le cœur il s’le donne

Douc’ment, douc’ment l’ami, j’entends le rossignolet
Douc’ment, douc’ment, l’ami, je n’suis encore pas morte
C’était pour assavoir si tes amours ‘taient fortes, j’entends le rossignolet

C’était pour à savoir si tes amours ‘taient fortes

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