vendredi 5 septembre 2014

70 - En chevauchant mes chevaux rouges

Un rossignol qui joue à contre-emploi et une conversation avec l'au delà donnent à cette chanson une atmosphère étrange qui semble venir de temps lointains.
Toutes les versions de cette chanson débutent de la même façon : un cavalier reçoit de mauvaises nouvelles de sa bien aimée. Il refuse d'y croire car c'est le rossignol qui les lui apprend ; cet oiseau est plus habitué à porter les messages des amoureux. Mis devant l'évidence il essaye d'entrer en contact avec la morte. A partir de là, l'histoire peut finir de deux manières différentes. Dans la plupart des versions collectées en Haute Bretagne, la communication aboutit en enfer où la belle est arrivée. Elle met son amant en garde contre le risque de finir comme elle.
Les paroles, et le refrain, notées par Soreau en Loire-Atlantique sont très proches de...
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...celles collectées en Ille et Vilaine par Albert Poulain (à Saint Just) ou celles du pays de Loudéac publiées par Marc Le Bris (1) .
Les versions les plus à l'est (où les moins à l'ouest, c'est selon) présentent une fin différente où la belle propose au galant de reprendre une bague qu'elle a encore au doigt. C'est le cas de chansons venant du Dauphiné, de Suisse Romande, ou du Piémont italien.

Dans bien des cas, si l'amant veut embrasser sa mie une dernière fois, la morte se plaint que sa bouche est pleine de terre alors que celle de son amant est pleine d'amour, de fleurs, de senteur de rose...de vin d'Arbois (2).
Cette belle formule du baiser au goût terreux vient immédiatement à l'esprit car elle a été popularisée par l'enregistrement de cette chanson par le groupe Malicorne (3). Leur version était celle recueillie en Haute Normandie et harmonisée par Edouard Moullé. Un collectage contemporain de celui d'Abel Soreau.
Notre chanson fait donc partie d'une série de balades très anciennes sur le thème de l'amour plus fort que la mort. Le retour du cavalier et le baiser donné à la morte se retrouve également dans la balade anglaise « Lord Lovel ». Mais le cheval rouge y est remplacé par une « milk white steed »(4) et le baiser est fatal au héros.
Quand à la morale bretonne sur les façons d'échapper à l'enfer, elle semble s'être ajoutée à l'histoire originelle. Mais faute de preuves nous garderons bien d'épiloguer là dessus.

notes
1 – Carnets de route d'Albert Poulain (édition Dastum) et Chansons des pays de l'Oust et du Lié - Le Noach et Le Bris, vol. 5
2 – il s'agit d'une version notée dans le Jura, bien entendu.
3 – Malicorne : Almanach – disque 33 tours publié en 1976 ; réédité depuis en CD
4 – jument blanche


En chevauchant mes chevaux rouges

En chevauchant mes chevaux rouges, laire, laire, laire, loure, malanlaire
En chevauchant mes chevaux rouges, j’entends le rossignol chanter

Qui me disait dans son langage, laire, laire, laire, loure, malanlaire
Qui me disait dans son langage : tu ris quand tu devrais pleurer

… De la mort de ta pauvre Jeanne qu’on est à c’t’heure à enterrer…

…T’en as menti, méchante langue car j’étais hier sâ o lé….

… Où c’qu’elle filait sa quenouillette sur l’billot dans l’coin du fouyer…

… Là, quand je fus dedans ces landes, je sentis les cloches hober…

… Et quand je fus dans le cim’tière, j’entendis les prêtres hucher…

… Et quand je fus dedans l’église, je vis un corps qui reposait…

… Je daubis du pied dans la châsse : réveill‘ous, Jeanne, vous dormez…

… Non, je ne dors ni ne sommeille, je suis dans l’enfer à brûler…

… Auprès de moi reste une place, c’est pour vous, Pierre, qu’on la gardée…

… Ah, dites-moi plutôt, ma Jeanne, comment faire pour n’y point aller ?...

… Il faut aller à la grand-messe et aux vêpres sans y manquer…

… Faut point aller aux fileries comme vous aviez d’accoutumé…

… Point badiner avec les filles sur le grand coffre au pied du lit.


source : non identifié, Pont-Château et Nozay – collectes d'Abel Soreau
interprète : Bruno Nourry
Coirault : la bague d'or 1 - 01408
Laforte : 2-I-14 - le retour de l'amant : sa mie morte

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