vendredi 29 août 2014

69 – Mon père, hélas, m’a mariée

Il la battait ; elle le quitte ! Voilà, tout est dit. Pas besoin de s'étendre sur le sujet. Merci et à la semaine prochaine.
Non, mais avouez que pour une fois tout commentaire semble superflu. Il y a quelques semaines (c'était en mai) on envisageait toutes les difficultés d'aboutir au mariage. La lune de miel a été courte. On est fin août et c'est déjà la saison des regrets.
En plus cette chanson est totalement dépourvue d'originalité. Elle est quasi universelle, présente dans le folklore de toutes les régions.
Bon, puisque vous insistez, intéressons nous à certains détails. Pour commencer, la maille (1)
écouter la chanson et lire la suite
était une petite monnaie du genre de ces pièces jaunes qu'on n'utilise guère qu'à la boulangerie. Celles qu'une femme d'ancien président ramasse pour ses bonnes œuvres. La maille valait la moitié d'un denier. D'où l'expression avoir ni maille ni denier, synonyme d'être fauché. On voit donc bien que cette chanson ne date pas d'hier et que son thème a traversé les siècles sans prendre une ride. Le texte noté par Ballard en 1724 est globalement le même, la jeune fille déçue y va parler d'amour sur la fougère avec de jeunes officiers.
Ici, la maumariée s'en va apprendre aux filles à danser. Assez souvent c'est pour apprendre elle même qu'elle quitte son vieux mari ; pour apprendre à danser avec de jeunes gens. Bon nombre de versions de cette chanson contiennent l'expression « ils m'apprendront, je leur apprendrai »...à jouer aux cartes, aux dés et pour finir, au jeu des dames ou des filles. Ce « jeu d'aimer » est l'aboutissement de la révolte, exprimé ouvertement ou en simple filigrane. Et si parfois elle se retrouve avec des moines, des abbés, des curés c'est pour des raisons alimentaires : ils ont du lard dans leur charnier (2).
Notez la petite particularité de la version collectée par Soreau : le vers final est tout près de nous entraîner dans la chanson du cordonnier qui répare les souliers des filles qui ont trop dansé. Louisette Radioyes en a collecté une version plus complète à Saint Congard (3) qui se termine ainsi :
J'ai tant chanté, j'ai tant dansé
Que mes souliers en sont percés
C'est le profit du cordonnier
C'est le profit du mailletier (4)
C'est le profit de tout les métiers
Etonnant non ?


Notes
1 - Petite monnaie de cuivre qui n'est plus en usage, mais qui valait la moitié d'un denier, et était de la sorte synonyme d'obole (dictionnaire Littré)
2 – si tant est que cette expression n'ait pas un double sens caché !
3 – traditions et chansons de haute Bretagne – le répertoire de Saint Congard et ses environs – Edisud, 1995.
4 – fabricant de maillettes, clous à grosse tête plate dont on garnissait le dessous des sabots de bois. Définition donnée dans l'ouvrage de L. Radioyes

Mon père, hélas, m’a mariée

Mon père hélas m’a mariée, faut chanter (bis)
Un vieux bonhomme il m’a donné, hélas, hélas et toujours hélas
En chantant, maluron lurette
Gai, gai, gai, jolies amourettes
Faut chanter, maluron luré

Un vieux bonhomme il m’a donné, faut chanter (bis)
Qui n’a ni maille ni deniers, hélas, hélas et toujours hélas
En chantant, maluron lurette
Gai, gai, gai, jolies amourettes
Faut chanter, maluron luré

Qui n’a ni maille…
Qu’un gros bâton de vert pommier…

… Avec quoi qu’i m’moud les côtés…

… S’il m’y bat ‘core je m’en irai…

… Je m’en irai sur les verts prés…

… J’apprendrai aux filles à danser…

… Elles m’apprendront, j’leur z’apprendrai…

… Ce s’ra l’profit du cordonnier…

collectage : Abel Soreau
source : Joséphine Roué, Guémené-Penfao, 1904
interprète : Janick Péniguel – réponses : Anne-Gaëlle Normand et Fabienne Mabon
catalogue Coirault : Le vieillard au bâton de vert pommier (maumariées – N° 05716)

catalogue Laforte. : La mariée battue (I, D-27)

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