vendredi 11 juillet 2014

63 - La chanson de Villès-Martin

Bientôt les vacances ! Alors si vous n'imaginez Saint Nazaire qu'à travers ses usines et ses chantiers navals, cette chansonnette vous rappellera que les plages ne sont pas loin. Villès-Martin est un quartier qui tourne le dos à la ville et regarde l'océan, entre le port et la plage de Saint Marc chère à monsieur Hulot.
Certes, cette composition nous éloigne des canons de la chanson traditionnelle. Sa poésie approximative a fait le bonheur des nazairiens qui l'entonnaient à la belle époque. Mais son auteur est resté dans l'anonymat. C'est le timbre utilisé qui nous intéresse, significatif d'une évolution dans la chanson populaire au tournant du 20ème siècle.
De tous temps des paroles ont été plaquées sur des « airs connus ». La Clef du caveau recensait les timbres les plus utilisés, dispensant les auteurs de chansons d'imprimer la musique en renvoyant les lecteurs à cet ouvrage de référence avec la mention « sur l'air de... ».
Ainsi, nous avons déjà eu l'occasion de découvrir des compositions locales...
écouter la chanson et lire la suite


... sur l'air de la mère Michel ou auprès de ma blonde, etc (1). Tout au long du 19ème siècle les complaintes criminelles diffusées sur feuilles volantes ont utilisé et usé l'air de la complainte de Fualdès, composée sur l'assassinat grandguignolesque de ce procureur à Rodez en 1817.
Le développement du café concert et la diffusion de masse des chansons, sur papier d'abord, par le disque et la radio ensuite, ont introduit un nouveau répertoire. La popularité d'un Théodore Botrel, ses tournées, les reprises de ses chansons ont éliminé progressivement l'air de Fualdès des nouvelles complaintes pour faire place à celui de la Paimpolaise. Ce tube, d'abord interprété par Mayol, puis par son auteur lui même (2), a servi de support à bon nombre d'auteurs anonymes jusqu'à la seconde guerre mondiale. Les succès des années vingt ont eux aussi donné libre cours aux improvisations (3).
La chanson de Villès-Martin utilise un timbre issu du répertoire d'Aristide Bruant : « Belleville-Ménilmontant ». Moins répandu que le célèbre « à la Bastille », cet hymne parisien se prête bien à des utilisations chauvinistes et gouailleuses, avec ses ponctuations faciles à reprendre en choeur. Seule différence notable avec l'original, un seul quartier est ici mis en valeur au lieu des deux : à Belleville – à Ménilmontant.

Pour finir et illustrer ces propos voici quelques repères historiques :
Quand la mer rouge : 1627 - Auprès de ma blonde : 1674 – la complainte de Fualdès : 1817 - la mère Michel : 1820 – Belleville-Ménilmontant : 1885 - la Paimpolaise : 1895 – Monte la dessus : 1922.
Depuis l'invention du microsillon, du transistor, du CD audio puis du mp3 les reprises d'airs à la mode pour les chansons anonymes ont un peu décru. En entendant certains succès on se demande d'ailleurs si on doit le regretter. Les compositions sur des airs anciens tiennent toujours.

notes
1 – à découvrir ou redécouvrir dans ce blog : la mère Michel (chanson n° 9) Quand la mer rouge apparut ( n° 35) auprès de ma blonde (n° 60) bonjour mon ami Vincent (n° 61)
2 – Théodore Botrel a enregistré lui même plusieurs versions de son grand succès ; avec accompagnement de piano, avec orchestre et même en duo, inoubliable, avec Mme Botrel. Ce qui prouve encore que si l'amour rend aveugle, il rend sourd aussi ! Écoutez les, vous jugerez vous même.
3 – écouter par exemple Monte là dessus : chanson n° 28

La chanson de Villès-Martin

De Saint-Nazaire l’agrément
L’dimanche quand il fait beau temps
C’est de s’en aller leste, leste
A Villès-se
Et puis là, très tranquillement
On s’arrête un petit moment
Pour se rafraichir un brin
A Villès-Martin (bis)

Dans les rochers en famille
Si l’on veut on s’déshabille
Il faut ben s’mettre à son aise
A Villès-se
Et si l’on veut prendre un bain
Sans cal’çon dans les p’tits coins
Pour épater les marsouins
A Villès-Martin (bis)

Quand le soleil est trop fort
Il faut attendre près du port
Et s’en aller quand il baisse
A Villès-se
Et toujours en bons bretons
On fredonne sa p’tite chanson
Pour distraire les citadins
A Villès-Martin (bis)

François, c’est un bon garçon
C’est un luron sans façon
Il a des accès d’tendresse
A Villès-se
Car jamais aucune station
N’donne autant d’satisfaction
On n’se fait jamais d’chagrin
A Villès-Martin (bis)

Si vous aimez le vin blanc bon
Arrêtez-vous à Sautron
Puis r’prenez la grande vitesse
Pour Villès-se
Car jamais aucune station
N’donne autant d’satisfaction
On n’se fait jamais d’chagrin
A Villès-Martin (bis)

Pour embrasser les belles filles
Sur l’goëmon, c’est difficile
Elles craignent de salir leurs fesses
A Villès-se
Mais dans les grands bois ombreux
Elles vont chasser le lapin
A Villès-Martin (bis)

On nous promet pour c’t’été
D’inaugurer le tramway
Il va falloir prendre l’express
Pour Villès-se
On jouera du mirliton
De la grosse caisse, du clairon
De Trignac à Saint-Joachim
Pour Villès-Martin (bis)

Les militaires pour s’amuser
Les p’tites bonnes vont caresser
Elles ne craignent pas leurs maîtresses
A Villès-se
Comme c’est un endroit charmant
On y voit les bonnes d’enfants
Elles attendent leurs p’tits biffins
A Villès-Martin (bis)

Un chalet on se paiera
Si des rentes un jour l’on a
Avec un titre de noblesse
A Villès-se
Puis aussi, on pédal’ra
En cyclistes et cetera
En beau costume de rupin
A Villès-Martin (bis)

Le casino, beau monument
D’Saint-Nazaire f’ra l’ornement
Il attirera les déesses
A Villès-se
Mais la gloire des Nazairiens
N’s’arrête pas en si bon ch’min
On veut sa place dans l’bottin
A Villès-Martin (bis)



Enfin le plus surprenant
Je vais vous l’dire à l’instant
Pour adoucir les tigresses
A Villès-se
Les belles-mères on va emm’ner
Passer la saison d’été
On en f’ra des chérubins
A Villès-Martin (bis)

La société des bilieux
Commence l’année en joyeux
Va jusqu’à la Saint Sylvestre
A Villès-se
Ils ne sont pas musiciens
Mais se font entendre de loin
Quand ils entonnent leur refrain
A Villès-Martin (bis)

L’auteur de cette chanson-là
Par ici ne demeure pas
Vous pouvez prendre son adresse
A Villès-se
Mais comme c’est pas l’premier v’nu
Il est encore inconnu
Il fait souvent son malin
A Villès-Martin (bis).


collectage : Fernand Guériff, tome 3 « Chansons de Brière, de Saint Nazaire et de la Presqu'ile guérandaise » - P. 280 - édité par Dastum 44 et le Parc naturel régional de Brière (2009)
auteur : non précisé (timbre : Belleville-Ménilmontant)
interprète : Daniel Lehuédé (+ réponse)

Bonus:
Belleville-Ménilmontant
d'après « chansons de la rue » d'Aristide Bruant

Papa c´était un lapin
Qui s´app´lait J.-B. Chopin
Et qu´avait son domicile,
A Bell´ville;
L´ soir, avec sa p´tit famille,
I´ s´ baladait, en chantant,
Des hauteurs de la Courtille,
A Ménilmontant.

I´ buvait si peu qu´un soir
On l´a r´trouvé su´l´ trottoir,
Il´ tait crevé bien tranquille,
A Bell´ville;
On l´a mis dans d´ la terr´ glaise,
Pour un prix exorbitant,
Tout en haut du Pèr´- Lachaise,
A Ménilmontant.

Depuis c´est moi qu´est l´ souteneur
Naturel à ma p´tit´ sœur,
Qu´est l´ami´ d´ la p´tit´ Cécile,
A Bell´ville;
Qu´est sout´nu´ par son grand frère,
Qui s´appelle Eloi Constant,
Qui n´a jamais connu son père
A Ménilmontant.

Ma sœur est avec Eloi,
Dont la sœur est avec moi,
L´soir, su´l´ boul´vard, ej´ la r´file,
A Bell´ville;
Comm´ ça j´ gagn´ pas mal de braise,
Mon beau-frère en gagne autant,
Pisqu´i r´fil´ ma sœur Thérèse,
A Ménilmontant.

L´ Dimanche, au lieu d´travailler,
J´mont´ les môm´ au poulailler,
Voir jouer l´drame ou l´vaud´ville,
A Belle´ville;
Le soir, on fait ses épates,
On étal´ son culbutant
Minc´ des g´noux et larg´ des pattes,
A Ménilmontant.

C´est comm´ ça qu´ c´est l´ vrai moyen
D´dev´nir un bon citoyen :
On grandit, sans s´ fair´ de bile,
A Bell´ville;
On cri´ :
Viv´ l´Indépendance!
On a l´ cœur bath et content,
Et l´on nag´, dans l´abondance,

A Ménilmontant.

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