vendredi 2 mai 2014

53 - C’est mon père et ma mère

Ne prenez point de femme dans le mois de mai, dit une chanson de malmarié. Pour passer outre à cette consigne nous consacrerons les prochaines semaines aux différentes façons d'aborder cette union. Après tout : en mai, fais ce qui te plais.
Commençons par le rôle des parents qui, dans notre chanson de la semaine, cherchent manifestement à se débarrasser de leur rejeton. Dans les chansons les plus proches de celle ci, père et mère mettent leur unique héritière à l'école, où le maître se laisse séduire ou cherche à la séduire. Toutes ces chansons se raccrochent au thème commun connu sous le titre et avec le refrain « la destinée, la rose au boués ». Heureusement nous échappons ici au coté moralisateur et rétrograde de la plupart des versions qui confinent la jeune fille au rôle de bonne ménagère.
L'originalité de notre version réside d'abord...
pour lire la suite et écouter la chanson


...dans la récitation du texte à la première personne. C'est la jeune fille qui s'oppose à ses parents. Selon l'habitude ce sont trois amants - chiffre magique - qui se la disputent ; Et pas n'importe qui !. Mais le choix se porte sur un prof. La belle s'est laissée séduire par un intello qui sait bien tourner ses lettres. Une bonne raison de poursuivre ses études !
Cette chanson type est tellement répandue qu'il serait fastidieux de comparer toutes les versions. En Normandie et en Vendée on voit le tailleur qui coupe la robe faire sa déclaration. En Berry, Nivernais, Poitou...la fille repousse le maître d'école, même s'il est joli garçon, parce qu'elle préfère embrasser son mignon. Et bien trop souvent les derniers couplets moralisateurs se terminent par des garçons qui tournent les talons parce que la maison est sale. On devine bien que la maison est une façon symbolique de faire la morale aux filles sur leur manière de se soigner et de s'atiffer. Pour attirer les galants tenez votre maison propre était la morale contenue dans cette chanson. « C'est pas l'affaire des filles d'embrasser les garçons – c'est le de voir des filles de balayer les maisons ».
Une autre particularité de la chanson notée près de l'estuaire de la Vilaine, c'est cette succession de rimes en « oi ». Quasiment tous les autres textes sont basés sur des rimes en « on » ce qui permet de mettre en regard les garçons et les leçons, de baptiser le père Simon, la fille Nanon ou Suzon et de l'envoyer à l'école à Tournon, Luçon, Argenton, quand ce n'est pas tout simplement... à deux pas de la maison.
Quand à la musique, elle se démarque aussi des autres versions, même si le timbre utilisé n'a rien d'original. La rose aux boués semble collée à un seul thème musical quelles que soient les régions de collecte. Alors que les versions du maître d'école amoureux collectées en centre France, qui n'utilisent pas ce refrain, ont une construction musicale identique variant seulement du sol mineur au sol majeur (1).
Merci à l'instit d'Assérac qui a eu la bonne idée de récolter cette chanson. Cette version réussit à sauver un thème qui, par sa ringardise, donnait envie de jeter la destinée et la rose au boués aux oubliettes.

note
1 – cf. Bujeaud, Millien, Barbillat...

C’est mon père et ma mère

C’est mon père et ma mère (bis)
D’enfant n’avaient que moi, maluron lurette
D’enfant n’avaient que moi, maluron luré

Tous les jours ils me disent (bis)
Mon enfant, marie-toi…

Mon père aussi ma mère / Etes-vous lassés de moi…
Si vous êtes lassés / Ma foi, dites-le moi…
Y’a trois garçons en ville / Sont amoureux de moi…
L’y a le fils d’un prince / L’autre le fils du roi
Et l’autre est maître d’école / Celui-là s’ra pour moi
Il m’écrira des lettres / Je les signerai, moi
A chaque mot de lettre / Mignonne, embrassez-moi.

Interprète : Bruno Nourry
source : Fernand Gueriff chansons du pays guérandais Volume 4, page 60 – musique notée par Gustave Clétiez – texte recueilli par Eugène Chiron, instituteur à Assérac en 1897
catalogues – Coirault : 00713 - le maitre d'école amoureux – Laforte : 1 M 06 - la destinée la rose au boué

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