samedi 28 décembre 2013

36 - Un conte de Noël


C'est la trêve des confiseurs. Nous la respectons. Pas de chanson cette semaine. Mais c'est aussi le temps des veillées, des belles histoire que l'on raconte au coin du feu. Nous vous proposons ce conte moderne ; en fait une histoire vécue. L'anecdote ne vient pas du fond des âges mais du début des années quatre vingt. Elle est de la même veine que celle rapportée dans l'hommage rendu à John Wright (1).
 

Il était une fois un jeune homme, Michel (2), amateur de vieilles chansons, à l’affût de toute nouvelle pépite pour enrichir son répertoire. Il parcourait les campagnes du pays nantais avec son minicassette en bandoulière. Inlassablement, il mettait en boite les complaintes, les ritournelles, les notes d'avant deux et les chants à dizaine que voulaient bien lui confier les personnes de l'ancienne génération. Par ses talents de persuasion il les encourageait à plonger au fond de leur mémoire pour retrouver les chansons de leur jeunesse.
En ce jour de printemps, Michel était installé avec son enregistreur sur la table de cuisine d'une « informatrice », c'est ainsi qu'on définit les porteurs de la tradition dans le milieu des collecteurs. Sur le coin du poêle, le robusta maison re-bouillait dans une jolie cafetière en émail vert pale. Le chat de la maison, sur son coussin, ouvrait parfois un œil intrigué pour dévisager l'étrange étranger dont l'âge contrastait avec celui des habituels visiteurs. Dans le salon proche, la pendule venait de sonner quatre heures, au beau milieu d'une rengaine des années vingt. Depuis plus d'une heure en effet la vieille dame confiait ses souvenirs de l'ancien temps entre deux airs du début du siècle. Tout le répertoire de Théodore Botrel allait y passer et Michel sentait son enthousiasme décroître au fil des « mouchoirs de Cholet » et des « dors mon petit gars ».
Quand, tout à coup...
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dimanche 22 décembre 2013

35 - Notre bon père Noé

En cette période de fêtes religieuses quoi de plus naturel que de remonter jusqu'aux temps bibliques. C'est donc au père Noé que nous allons faire la fête. Un père Noé sans « L » sans rennes et sans traîneau. Écoutez cette chansons sans tambour ni trompettes, sans hautbois ni musette et dites nous si l'air ne vous rappelle rien ?

Et si ça vous dit quelque chose c'est tout à fait naturel. Nous avons là un des timbres les plus utilisés dans la chanson populaire française. Nous avons déjà expliqué l'utilisation des timbres. Reportez vous à la semaine n° 9 « la chanson de Donges ». Celui de cette chanson à boire est noté sous le numéro 335 dans la clé du caveau, recueil publié au 19ème , la plus connue des collections de timbres (2). L'air est cependant beaucoup plus ancien. Il apparaît pour la première fois dans le « Parnasse des muses » (Paris, 1627) classé dans les chansons bachiques. Il est repris par Ballard au 18ème. Ce timbre avec ses répétitions connaît un tel succès qu'on le retrouve dans tous les domaines. Chansons de Noël tout d'abord, qui connaissent une grande vogue à cette époque (1) « Prenez bergers vos hautbois » « Allons bergers allons tous » «  Quand Dieu naquit à Noel », etc. Ce qui fit parfois croire qu'un chant de Noël était à l'origine de ce timbre. A la révolution, il sert à de nombreuses chansons politiques. A ces thèmes s'ajoutent toute une série de chansons paillardes, chants de marins, succès du café concert, et chansons composées localement par quantité d'anonymes.
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vendredi 13 décembre 2013

34 - La violette doublera


Suite à la publication de notre chanson de la semaine dernière nous avons reçu une lettre de Mme L'Alouette. Elle a pris sa plume pour exiger un droit de réponse que nous lui accordons bien volontiers. Elle s'estime victime de calomnies et entend le démontrer chanson à l'appui. Dont acte.

« Mesdames, messieurs ; Tout d'abord permettez moi d'éclairer vos connaissances et d'intervenir au nom des nombreuses branches de la famille : L'alouette des champs, l'alouette huppée, le cochevis, l'alouette hausse-col, l'alouette lulu (la nantaise, c'est moi) sans oublier l'alouette malgache, et l'alouette calandrelle, mes cousines africaines. Nos chansons sont aussi variées que les vôtres, du « tirli » des champs au « trudritri » de la huppée. Je vous d'ailleurs met au défi de publier le texte intégral de mon « lululululu didli didli didli ». mais là n'est pas mon propos.
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Vous prenez pour références des chansons où les coutumes sauvages de nous plumer, nous, les roitelets, et aussi les merles, sont attribuées à nos caractères prétendument volages. Savez vous qu'un des plus connus parmi les collecteurs de vos contrées, le chanoine Abel Soreau, a publié un fort beau texte qui démontre tout juste le contraire ? Non ? Alors écoutez donc la chanson de cette semaine. Elle rabat le caquet à ces prétentieux rossignols, hirondelles et cigognes, à ces têtes de linotte et à ces cailles farcies de défauts. Elle rend hommage à notre sagacité. Que nous amusez vous avec vos châteaux d'amour. Aujourd'hui les chéries de ces messieurs prennent leurs vacances au bords de mer. Sachons vivre avec son temps que diable ! Veuillez agréer, etc, etc." signé : Lulu la nantaise, alouette messagère. 

Eh bien, ma chère Lulu, tout en comprenant votre agacement, permettez nous de vous faire remarquer que vous n'avez lu qu'en diagonale notre article de la semaine passée. Nous y démontrions que votre destinée est plutôt due à l'aspect porte bonheur de votre plumage. Merci quand même pour cette belle chanson. Mais vous nous confiez là une version qui va à l'encontre de presque toutes les autres. Habituellement c'est bien au rossignol qu'on confie les messages. En fait ce qui fait l'intérêt de cette chanson, en plus de l'inversion des rôles entre alouette et rossignol, c'est le peu de confiance accordée aux autres espèces. Il est plutôt rare d'en voir autant cités dans la même chanson, à l'exception du Noël des oiseaux(1).
Les collectes d'Abel Soreau datent du début du vingtième siècle. Peut-être faut-il chercher là l'explication de l'étrange localisation de la mie destinataire du message. Le château d'amour où elle se tient habituellement aurait-il été transporté dans le monde des affiches publicitaires des compagnies de chemin de fer d'alors. Voyagez avec le train ; Visitez Etretat, ses bains de mer, ses hôtels avec terrasse où on savoure son chocolat ? Voici en tout cas une intéressante adaptation du texte habituel.
P.S. par suite d'un incident technique indépendant de notre volonté (!) la publication de cette semaine a été légèrement décalée. Prochaine chanson dimanche 22 décembre.

note
1 - voir chanson n° 29
 
La violette doublera

Ma mie est par là dans l’monde
Mais qui m’la retrouvera (bis)
J’ai un message à lui faire je n’sais qui lui portera
La violette double, double
La violette doublera

J’ai un message à lui faire
Je n’sais qui lui portera (bis)
Si j’en charge le rossignol, à chanter il s’arrêt’ra
La violette double, double…

Si j’en charge la pie jacasse, à tous le jacassera
Si j’en charge la linotte tout le monde le saura
Si j’en charge l’hirondelle, dans le ciel, elle se perd’ra
Si j’en charge la cigogne, vers l’Egypte elle volera
Et si j’en charge la caille, en Afrique elle tournera
Il est un oiseau fidèle : l’alouette bien le fera
Alouette, gente alouette, à ma mie va porter ça
L’alouette prend sa volée à travers le monde s’en va
Elle a rencontré la mie dans un hôtel d’Etretat
Elle était là bien tranquille et prenait son chocolat
Comme la porte était fermée, l’oiseau par la f’nêtre entra
Bonjour l’une, bonjour l’autre, bonjour celle que voilà
Votre amant m’envoie vous dire : s’il vous plait, n’l’oubliez pas
Alouette, gente alouette, à tire d’ailes retourne là-bas
A mon galant va t’en dire que je prends mon chocolat.


archives sonores Dastum 44 (veillée 0041 A 01)
interprète : Bruno Nourry (St-Omer-de-Blain – 11 juin 2006)
source : Abel Soreau
catalogue Coirault : j'en ai oublié bien d'autres – 412
catalogue Laforte : le rossignol, messager des amours - 1-1-3

vendredi 6 décembre 2013

33 – Plumons le bec à l'alouette


Une semaine entière sans chant d'oiseau ! Il est temps de reprendre notre chronique ornithomusicologique. En dépit des accusations possibles de cruauté envers les animaux, nous nous intéresserons aujourd'hui à la coutume de plumer la gentille alouette, très appréciée dans le répertoire enfantin.

Pourquoi s’en prendre à cette malheureuse bestiole en lui imposant ce strip-tease intégral ? La raison serait peut être liée au comportement agaçant de l’alouette envers les amoureux. Tout d’abord elle est la première à chanter dès le point du jour. Les amants « n’étaient pas depuis deux heures ensemble que l’alouette chanta le jour » (1). On a beau lui demander de se taire, elle insiste : « belle alouette tu as menti, tu chantes là le point du jour, il n’est ‘core que minuit ». Tout cela pour faire son intéressante en montant le plus haut possible jusqu’à ce qu’on l’entende sans la voir, comme son compère le roitelet. D’ailleurs les versions chantées en Basse Bretagne (2) s’en prennent souvent au roitelet.
Ensuite, toujours selon la tradition, l’alouette est suspecte de commérages. Elle colporte les mauvaises nouvelles. On ne peut même pas lui confier un secret ou une info « si je la donne à l’alouette la commission ne se fera pas ». Les amoureux préfèrent charger le rossignol de retrouver leur âme sœur « rossignol prend sa volée, au château d’amour s’en va ». Voilà un messager fidèle. Les PTT ont préféré l’hirondelle et les maternités la cigogne, mais c’est une autre histoire. L’alouette paie donc très cher son inconséquence et ses bavardages matinaux.
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