vendredi 22 novembre 2013

31 - C’est trois pigeons ramiers


Cette chanson est connue de longue date dans tout l'ouest de la France. Elle se rapporte à une des traditions de la cérémonie du mariage qui consiste à porter la soupe à l'oignon ou la soupe au lait, à la mariée après la nuit de noces. Son titre générique est « la chanson des oreillers ». De nombreuses versions font référence au pont d'Avignon. Il y est quasiment toujours question de pigeons ramiers.

Trescalan est un village de la commune de la Turballe. La version interprétée ici y a été collectée dans les années 40. Vous pouvez en entendre une autre version dans l'anthologie des musiques traditionnelles publiée en 2009 par les éditions Frémeaux (1). Elle est interprétée par « Maguesite » Providence Bouteau, grande chanteuse de l'ile de Noirmoutier. Armand Guéraud (2) en a publié une version collectée à Bouguenais (banlieue nantaise). Il cite d'autres versions collectées en Basse-Bretagne par Duhamel et Bourgault-Ducoudray en Trégor et en Cornouaille. Ce n'est plus le pont d'Avignon qui sert de cadre à ces chansons qui sont généralement situées « war bont en Naoned » (sur le pont de Nantes). Jean-Baptise Weckerlin, dans son ouvrage sur les chansons populaires de France (3) en donne une version plus complète, originaire de Normandie. D'autres avatars de cette chanson ont été notés au Canada, ce qui est bien naturel puisque les provinces de l'ouest ont majoritairement contribué au peuplement de ce pays.
Pour lire la suite et écouter la chanson

Notre version locale est fragmentaire. Elle ne fait pas mention du pont d'Avignon. Profitons en pour tordre le cou à une croyance qui veut qu'on ait dansé sur le pont d'Avignon. Pas plus que sur le pont de Nantes il n'y a eu de bal sur le fameux pont Saint Bénézet. Pour comprendre cette confusion reportez vous à la chanson n° 28 « le pont de Pirmil ». Le franchissement du Rhône, comme celui de la Loire, se faisait sur des chaussées surélevées entre ponts et îles. Ces quartiers hors des villes étaient aussi des lieux de réjouissances et de bals. D'où, par extension, l'expression danser « sur » le pont. Merci qui ?
 
Enfin, vous aurez remarqué qu'on ne peut quasiment pas passer une semaine sans oiseaux. C'est Hitchcokien ! Et qu'on ne vienne pas nous dire que c'est par analogie à la musique. Les navrantes roucoulades des pigeons font peut être penser à certains chanteurs de variétés mais n'ont vraiment rien de mélodieux. Ajoutées aux déjections fienteuses dont ces charmantes bestioles crépissent les murs de nos cités, elles renforcent l'opinion que leur seule utilité est d'accompagner les petits pois quand on n'a pas la chance d'avoir mieux. Sales bêtes !

Notes
1 – France : Une anthologie des musiques traditionnelles – Frémeaux & associés (avec la collaboration de Dastum 44)
2 – Chants populaires en Bretagne et Poitou – recueillis par Armand Guéraud – Modal / FAMDT – tome 2 pages 336-337
3 - J. B. Weckerlin - Chansons populaires du pays de France, volume II, page 265
4 - Un cheval moreau est de couleur brun foncé

C’est trois pigeons ramiers

Ouvrez, la porte, ouvrez, mignonne mariée
Attendez à demain, la fraîche matinée
Pour que mon lit soit fait, ma chambre balayée

Comment vous attendrais, j’ai la barbe gelée
La barbe et le menton, la main qui tient l’épée
Et mon cheval moreau (4) est mort sur la gelée

C’est trois pigeons ramiers qui ont pris leur volée
Ils ont volé si haut, la mer ils ont passée
Sur la tête de la belle, ils ont pris reposée

Ouvrez la porte, ouvrez, qu’on voie la mariée
Si vous ne l’ouvrez pas, elle sera brisée
A grands coups de marteau, à grands coups de cognée.


source : « chansons de Trescalan » (Françoise Danet – 1949)
interprète : Nolwenn Le Dissez
catalogue P. Coirault : La chanson des oreillers (N° 5217)
catalogue C. Laforte : Les oreillers (1-D-02)

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